SANTA STILETTO
Santa Stiletto by Léon Prost
Depuis ses 10 ans, Santa Stiletto portait en secret le rêve brûlant de rejoindre le Crazy Horse, caché à une famille enracinée dans la foi catholique. Passionnée, rebelle et libre, elle ne commence la danse qu’à dix-huit ans et réalise l’impossible en intégrant la troupe d’élite des danseuses du Crazy Horse. Aujourd’hui, Santa Stiletto incarne sur scène le paradoxe entre sensualité ardente et spiritualité profonde, faisant de chaque performance une fusion unique entre l’âme et le corps.
Santa Stiletto by Léon Prost
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“Pour moi, le Crazy Horse n’était pas une option dans ma carrière, c’était mon destin. Point.”
Santa Stiletto by Léon Prost
Santa Stiletto by Léon Prost
“La danse, je l’ai découverte tard, mais elle est imprimée dans mon corps et dans mon âme.”
“Ce qui nous unit, c’est cette énergie « crazy » que nous partageons toutes.”
Santa Stiletto by Léon Prost

Quelle histoire se cache derrière votre nom de scène ?

La consonance est italienne pour faire référence à mes origines calabraises. Santa Stiletto exprime tout le paradoxe de mon parcours. « Santa », c’est parce que j’ai grandi dans la foi catholique, je porte souvent des pendentifs en forme de croix et même si j’ai fait le tri dans mes croyances en devenant adulte, je suis toujours croyante. « Stiletto » fait référence à l’autre partie de moi, celle qui séduit en talons hauts. Santa stiletto c’est un peu la Marie-Madeleine moderne !

 

Quelle est votre histoire avec la danse ?

Je suis née en Suisse, d’un père italien et d’une mère bernoise. À dix ans, j’ai vu une archive du Crazy Horse avec Rosa Fumetto. Ce fut un instant étrange car j’étais entourée de mes grands-parents italiens baignant dans une culture très pudique. Mais ces images m’ont totalement captivée. Elles se sont imprégnées dans ma rétine et j’ai grandi en les cachant en moi comme un trésor précieux.

À l’adolescence, ce souvenir est devenu persistant et insistant. À quinze ans, j’ai arrêté l’école. Je n’avais qu’une chose en tête, c’était partir à Paris pour réaliser mon rêve secret de devenir Crazy Girl ! Ma famille a insisté pour que je fasse des études. Je me suis lancée dans un apprentissage comme assistante médicale. J’ai été diplômée en juillet l’année de mes dix-huit ans, et je suis arrivée à Paris en août ! J’ai commencé à suivre une formation à l’Académie Internationale de la Danse tout en travaillant dans des clubs de strip-tease sans rien dire à personne. Je ne connaissais rien à cet univers mais j’avais la jeunesse et la beauté pour moi, il fallait juste que je trouve mon « énergie de sirène » comme j’aime l’appeler, c’est-à-dire comment atteindre le paroxysme de ma sensualité sur scène. Lors de ces années à Paris, j’ai bien sûr tenté ma chance au Crazy Horse.

 

Comment s’est passée votre audition ?

J’ai passé l’audition quatre fois. C’était à chaque fois un stress immense d’être en compétition contre des danseuses professionnelles. Mais j’étais dans un état d’esprit très particulier qui va au-delà de la détermination. Malgré mon parcours atypique, je savais au fond de moi que ma place était ici. Pour moi, le Crazy Horse n’était pas une option dans ma carrière, c’était mon destin. Point. Je savais aussi que j’aurais à travailler quinze fois plus que les autres pour rattraper mon retard en danse, et je n’avais peut-être pas leur expérience, mais mon énergie, mon regard, ma foi… C’est ce qui me ferait franchir la ligne. Malgré cette certitude au fond de moi, j’ai essuyé plusieurs refus. Un jour, par hasard – ou pas… -, Andrée Deissenberg, la directrice artistique du Crazy Horse, m’a vue performer en tant que strip-teaseuse dans une soirée très prisée à Paris. C’est à ce moment qu’elle a finalement décidé de me donner ma chance. Malgré mon parcours d’outsider, j’ai été accueillie très chaleureusement par les autres danseuses car finalement, ce qui nous unit, c’est cette énergie « crazy » que nous partageons toutes.

 

Comment définiriez-vous votre rapport à la danse ?

La danse, je l’ai découverte tard mais elle est imprimée dans mon corps et dans mon âme. Lorsque je danse, je recherche « l’effet indirect » évoqué par la grande chorégraphe Martha Graham. Cet effet s’explique quand un danseur ressent tellement intensément ce qu’il fait sur scène que la sensation est transmise au public. Et c’est aujourd’hui ce que j’essaye de faire ressentir aux spectateurs : une sensation physique, corporelle, sensuelle.

 

Si vous deviez décrire une Crazy Girl en trois mots ?

Amoureuse, cœur brisé et indestructible. Personnellement, j’ai eu le cœur brisé toute ma vie mais selon moi, ce n’est ni une faiblesse, ni un défaut. Bien au contraire !

 

Est-ce que devenir Crazy Girl a changé votre vision de la féminité ?

Le Crazy Horse est la Maison où le vocabulaire chorégraphique est travaillé comme dans un laboratoire pour arriver à la pointe de la sensualité, de la féminité et de la séduction. En tant que danseuse de cette maison, je crois qu’on est forcément impactée. Notre vision de la féminité s’enrichit, s’affine et se renforce au fil du temps.

 

Que diriez-vous à la petite fille que vous étiez, qui regardait Rosa Fumetto avec passion ?

Je lui dirais une phrase de mon père : « Quand on est touché par la passion, on est touché par la grâce de Dieu ». La passion est un cadeau de la vie. Tout le monde ne ressent pas ça. Par conséquent je lui dirais de continuer à poursuivre son rêve car c’est une chance d’être aussi passionnée.

 

Quel tableau du show Totally Crazy! vous émerveille le plus ?

Lay Laser Lay. Je suis bouleversée par les danseuses qui l’exécutent car c’est un numéro où j’ai la sensation d’entrer dans l’intimité de la danseuse. De plus, je me reconnais dans cette femme qui m’apparaît comme une créature désirée, mais traquée. Je sens qu’elle appartient à ceux qu’on appelle dans le sud de l’Italie les « belli e maledetti » qui veut dire « beaux et maudits ». Ce personnage me touche particulièrement.

 

Photos : Léon Prost